Le
mensonge et l’omission volontaire. Ces deux choses, Kyuuji les vivait
toujours comme des trahisons. Souvent insignifiantes, mais en de rares
occasions importantes. Et cette fois-là était la pire de toutes. Son
esprit lui semblait vide, pourtant il bouillait. Autour d’une même
pensée en une boucle infinie. Comme résonnant dans chaque fibre de son
être.
Mensonge.
Kyuuji
n’entendait plus rien, ne voyait plus rien, ne sentait plus rien. Ni
les paroles de Venceslas, ni ce visage triste, ni cette main posée sur
son bras. Il était ailleurs, dans un monde de rancœur.
Trahison.
Une
vague puissante de colère s’abattit sur le cœur du Raen. Ses joues
s’empourprèrent, sa respiration s’accéléra, ses mains devinrent moites.
Des larmes lui piquèrent les yeux mais il les refoula.
Traîtrise.
La
colère reflua, la vague qui vint ensuite le frapper était glacée. Une
vague de rancœur si forte qu’elle écarta sa colère, tellement insidieuse
qu’il en frissonna. Immuable. Irrésistible. Kyuuji s’y abandonna.
Mensonge.
Il
revint en partie à la réalité, un filtre de rage devant tous ses sens
et son jugement. Venceslas lui tenait le bras d’un air désespéré,
attendant sa réaction avec crainte. Et il faisait bien, de la craindre.
Trahison.
Il
était hors de question de se laisser apitoyer par cette comédie. Cette
farce. Un hurlement le tiraillait de l’intérieur. Il essaya de le
retenir, ce fut un grognement qui franchit ses lèvres et ses dents
serrées.
Traîtrise.
Avec un gros effort, Kyuuji desserra les mâchoires et articula quelques mots.
— Comment as-tu pu ?
— Je ne voulais pas…
Mensonge.
Le Raen se libéra brusquement de la poigne de Venceslas l’interrompant par la même occasion.
— Je ne veux pas entendre d’excuse ! Tu m’as menti !
— Kyu…
Trahison.
Il
ne l’écoutait de nouveau plus. Sous le coup de la colère, il rassembla
l’éther, lentement, il lui en fallait une grande quantité pour se
transporter. Et c’était beaucoup moins facile désormais, sans son
cristal.
— Attend Kyu ! Où vas-tu ?
Traîtrise.
Kyuuji
lui jeta un regard hargneux. Il n’avait plus aucune envie de
l’entendre, il n’allait certainement pas lui dire où il se rendait. Il
condensa l’éther, le manipula et s’y plongea alors que Venceslas
avançait une main vers lui. Elle se referma sur le néant. Il était déjà
parti. Le Camp de la Tête de Dragon.
Mensonge.
Les
Hautes-terres du Coerthas central, le seul endroit où Kyuuji était sûr
de ne pas croiser Venceslas. Lui y était déjà venu, s’était harmonisé
avec l’éthérite de transport, mais pas le Hyurois. Il ne viendrait pas
le chercher ici, même s’il arrivait à lire l’éther qu’il laissait
derrière lui, ce dont il le savait incapable.
Trahison.
En
proie à la rancœur, le Raen ne sentit pas tout de suite le froid du
Coerthas. Il s’apprêtait à descendre de la muraille où se trouvait
l’éthérite de transport quand la voix de Venceslas lui arriva par la
perle.
« Kyu ? Où es-tu ? Je dois… »
Traîtrise.
Sans
attendre la fin de sa phrase, Kyuuji jeta la perle contre le muret.
Elle rebondit et roula par terre, à peine ébréchée. D’un violent coup de
talon, il la réduisit en miette et s’en détourna.
Mensonge.
En
entrant dans la taverne, tous les regards se tournèrent vers lui, tous
plus ou moins hostiles. Il se dirigea vers une place libre d’un pas
brusque, éloignant les regards inquiets, rendant plus insistants les
regards méfiants.
Trahison.
Kyuuji se jura que Venceslas paierait sa traîtrise. Très cher.
Quant aux Impériaux…
Vengeance.