Forêt de Sombrelinceul : Crainte

Le Raen ouvrit les yeux.

Venceslas était penché au-dessus de lui, du sang coulait d’une plaie ouverte sur son front. Il semblait plus inquiet pour Kyuuji que pour sa propre blessure.

— Tu vas bien ?

Le Raen cligna des yeux et s’assit, reprenant petit à petit pieds dans le présent.

— Oui, juste un souvenir. Mais toi… laisse-moi te soigner.

Venceslas essuya son front sur sa manche.

— C’est juste une égratignure, ça saigne plus qu’il n’en faut à la tête. Tu es tombé comme ça à cause d’un souvenir ?

Ignorant sa question, Kyuuji rassembla l’éther et projeta sa force salvatrice sur le Hyurois. En quelques secondes, sa plaie se referma, ne laissant que du sang séché sur son visage.

— Je suis désolé.

Venceslas s’assit à son tour en secouant la tête.

— Ce n’est rien. Je m’en suis sorti. Mais un souvenir, tu dis ?

Ne pouvant plus échapper à la question, Kyuuji haussa les épaules pour minimiser l’effet que les rêves avaient sur lui.

— Oui. Je ne saurais t’expliquer, mais je me retrouve toujours dans un état second.

— Ça va mieux ?

Le Raen secoua doucement la tête et reprit enfin tous ses esprits.

— Maintenant, oui.

Venceslas se releva et lui tendit la main.

— Navré de te presser, mais nous ne devons pas rester ici trop longtemps. Un des Ixalis s’est enfui, il ne va pas tarder à ramener ses copains.

Kyuuji se hissa debout avec l’aide de son compagnon et découvrit le corps d’un Ixali à quelques yalms de là, plusieurs entailles lui couvrant le torse. Ils retournèrent à leur campement et rangèrent rapidement leurs affaires avant de reprendre la route dans la plus grande discrétion possible.

Après quelques heures de marche, Venceslas estima qu’ils étaient assez loin. Il s’arrêta pour se reposer, la nuit avait été courte et il restait encore plus d’un jour de trajet. Ils pouvaient prendre quelques heures de repos pour repartir en forme. Le Hyurois s’assit contre un arbre et se massa les épaules

— Alors, quel était ce souvenir ?

Kyuuji hésita à lui en parler. Il ne savait pas quoi en penser. Il avait ressentit une grande colère quand il avait apprit que son ami était responsable de leur exile en Eorzéa. Mais ce souvenir jetait une haine plus grande pour l’armée et l’Empire de Garlemald, réels responsables de son arrachement familial. Pourtant, il n’arrivait pas à pardonner à Venceslas. Et encore moins à Garlemald. Il avait l’impression que son esprit tournait en rond. Penser à l’un l’emmenait à penser à l’autre, empirant la colère ou la haine qu’il ressentait. De plus, s’ils avaient fait partie de l’armée, ils étaient peut-être bien les ennemis d’Eorzéa, comme le soupçonnaient les gardes du Ranch. Non, il ne savait décidément pas quoi en penser.

Comme le silence s’éternisait, Venceslas s’étira bruyamment, faisant mine d’ignorer sa propre question. Face à sa politesse, Kyuuji décida qu’il n’avait rien à perdre à lui en parler, il espérait même pouvoir lui soutirer quelques réponses.

— C’était celui du jour où l’armée de Garlemald est venue nous chercher au village.

Le Hyurois le regarda d’un air grave un instant puis hocha la tête.

— Je vois. La partie la moins agréable commence à revenir.

— Nous avons fait partie de l’armée garlemadaise.

— C’est vrai.

Kyuuji fut pris d’un soudain effroi.

— Encore aujourd’hui ?

Venceslas soupira.

— Souvient-t’en…

Exaspéré par cette réplique, le Raen l’interrompit.

— Je dois savoir, Venceslas ! J’ai besoin de savoir ! Sommes-nous des espions ou quelques choses comme ça ?

Son compagnon sembla très surprit et fronça les sourcils.

— J’ai du mal à te reconnaître. Tu t’énerves, tu t’emportes, tu cris, ça ne te ressemble pas.

Il soupira et fit un vague geste de la main.

— Enfin, je suppose que ce ne doit pas être facile. Non, nous ne sommes pas des espions. Tu aurais pu le deviner par toi-même. Sur le navire, notre dispute. Nous ne serions pas partis d’Othard comme nous l’avons fait si c’était le cas. Et, si je me souviens bien, tu m’avais dit que l’Empire ne te manquerait pas.

Kyuuji réalisa qu’il avait raison. S’il avait été un espion, il aurait été au courant de leur départ et il n’aurait surement pas été définitif, justement. Ses souvenirs ne correspondaient tout simplement pas. Rassuré, il pu mettre un peu d’ordre dans ses idées et chercha un lien entre tous les éléments qu’il possédait, se parlant plus à lui-même qu’à son compagnon.

— L’armée nous a enrôlé de force… Nous l’avons quittée pour une raison que j’ignore encore. Nous avons ensuite fuis en Eorzéa. Quant à la suite, je n’en ai pas la moindre idée.

Venceslas sourit amicalement.

— Ah, voila enfin un peu du Kyuuji que je connais.