Gridania : Perchoir

Les cris des Ixalis les poursuivaient entre les arbres. Kyuuji et son compagnon, bien que fourbus et fatigués, forçaient l’allure pour conserver leur avance. Depuis la veille, ils avaient du faire face à deux autres groupes d’Ixalis, et fuyait désormais pour atteindre Gridania plutôt que se battre encore une fois.

À l’approche de la ville, leurs poursuivants hurlèrent une dernière fois avant d’interrompre leur chasse. L’un des gardes de la porte sud de Gridania, un Miqo’te, s’approcha et les salua.

— Bonjourrr, Miller. C’était des Ixalis qu’on a entendu ?

Venceslas se courba en avant et prit appuis sur ses genoux pour reprendre son souffle.

— Oui, ils nous pourchassent depuis hier. Nous en avons éliminé quelques uns, mais ils sont arrivés en nombre ce matin.

— Si vous pouviez avertirrr les Vigiles, on montera sûrrrement une expédition pour les rrrepousser dans la forêt.

Le Miqo’te dévisagea le Raen mais se tourna de nouveau vers Venceslas.

— Qui est ton ami ?

Venceslas jeta un coup d’œil au Raen avant de se retourner vers le garde.

— Je sais bien que ça fait un moment, mais tu devrais le reconnaître. C’est mon partenaire, Kyuuji Atagi.

Le Myqo’te fronça un instant les sourcils, le détaillant des pieds à la tête puis de la tête aux pieds. Enfin, après ce qui parut une bonne minute, il sembla le reconnaître et sourit.

— Ha oui ! Excuse-moi. A mes yeux tous les Ao rrra se ressemblent, en dehorrrs de la couleur de vos corrrnes, écailles, cheveux, tout ça, je veux dirrre.

Loin de se vexer, Kyuuji secoua la tête et lui rendit son sourire.

— Il n’y a pas de mal.

— Au fait Miller, Miounne te cherrrche, lança le Miqo’te avant de reprendre sa place aux côtés de l’autre garde.

— Merci, F’uxtu.

Les deux compagnons se dirigèrent vers l’entrée de la ville et en franchirent les portes. Devant eux, la nouvelle Gridania surplombait un immense lac et offrait une vue imprenable sur la forêt de Sombrelinceul. L’architecture de la ville reflétait un grand respect pour la nature, tous les bâtiments, éléments publiques et éclairages étaient construits en bois et leur allure rappelait celle des constructions sylvestres. Plus haut sur le chemin, un immense cristal éthéré s’élevait, inondant la partie basse de la ville de sa lueur bleuté.

Kyuuji était émerveillé devant la beauté de la vue qu’offrait le canyon qui longeait le lac et conduisait jusqu’à l’éthérite. Venceslas dut le prendre par le bras pour mener jusqu’à la taverne, tant il était perdu dans la contemplation.

La taverne ne laissa pas le Raen indifférent non plus. Bondée de monde, elle réunissait des représentants de toutes les races et de toutes les ethnies qui se côtoyaient sans le moindre mal. Une fois de plus, Kyuuji fut stupéfait par le nombre de personnes armées, pourtant seul un petit nombre portait un uniforme. Venceslas se fraya un chemin parmi la foule et installa le Raen au bout d’une table miraculeusement inoccupée.

— Reste là, je vais nous commander à boire et à manger.

Il indiqua le comptoir où un groupe d’hommes et femmes discutaient avec une Elézénne.

— Et je dois parler à Miounne. Ça prendra pas longtemps.

Perdu dans l’effervescence des lieux, Kyuuji hocha la tête et observa tout ce qui se passait autour de lui. Des hommes en armes discutaient à voix basses tandis que d’autres criaient presque leurs exploits aux combats, pour le plus grand plaisir de leur auditoire. Quelques uns buvaient en silence, enroulés dans leurs vêtements de voyage, d’autres encore attendaient quelque chose ou quelqu’un en jetant des regards anxieux un peu partout. La présence du Raen avait à peine attiré quelques regards curieux, et désormais il passait presque inaperçu.

Venceslas revint, chargé d’une assiette et deux choppes.

— Tu as l’air perdu, ça va ?

Kyuuji balaya la salle commune d’un geste circulaire.

— Ça me parait tellement étrange, tout ça.

Le Hyurois s’assit en face de lui et sourit.

— Ça me rappelle notre ar… Non, tu t’en souviendras le moment voulu.

Comme piqué au vif, Kyuuji se désintéressa soudainement des clients de la taverne et fixa son compagnon.

— Cette réplique commence à m’agacer.

L’ignorant ostensiblement, Venceslas but une gorgée de sa choppe et soupira d’aise.

— Ha, Oswald a toujours une excellente bière !

Kyuuji comprit qu’il n’arriverait pas à discuter de ce sujet. Pourtant l’ambiance le poussait au dialogue malgré son humeur.

— Au fait, tu acceptes que le garde t’appelle par ton nom, mais tu me l’as interdit, pourquoi ?

Venceslas pouffa.

— Ne me pose pas ce genre de questions si tu ne veux plus de ma réplique !

Résigné, le Raen soupira et n’engagea pas le débat, préférant reporter son attention sur un Miqo’te qui racontait son dernier exploit à grands renforts de mîmes.