La bataille faisait rage. Partout, les combats résonnaient dans la vallée. Les cris, le choc des armes et les ordres fusaient en tous sens. Le chaos régnait.
En retrait, Kyuuji observait ses compagnons qui repoussaient tant bien que mal leurs ennemis. Son rôle était de les soutenir, de leur insuffler la force, la vigueur et l’énergie nécessaires pour survivre à ces combats titanesques. Le souffle court, il essuya la sueur qui lui coulait devant les yeux, affinant ainsi sa vision du champ de bataille. D’un coup d’œil, le Raen repéra ses compagnons les plus grièvement blessés. Faisant abstraction de sa fatigue et de ses propres blessures, il entama une incantation en se concentrant sur eux.
L’éther, source de tout, de la vie comme de la destruction, était son domaine. Il le rassembla aisément et le manipula à sa guise puis le projeta vers ses compagnons. L’effet fut immédiat. Les entailles se refermèrent, laissant à peine quelques traces sur leur peau. Les contusions se résorbèrent, permettant à leurs victimes de retrouver leur vigueur. Les os fracturés se ressoudèrent, non sans la moindre douleur malgré toute la volonté du Raen pour l’éviter. Enfin le courage réapparut sur le visage des plus affaiblis.
L’incantation terminée, Kyuuji se retrouva à genoux, épuisé. Il était plus que temps de prendre quelques instants pour s’occuper de lui-même. Ressentant l’éther afflué, il s’apprêtait à psalmodier quand un ennemi apparut devant lui, comme surgit de nulle part, en brandissant son épée au-dessus de sa tête. Pris de court, le Raen ne pensa qu’à se défendre, il interposa son arme pour parer l’attaque. La protection que représentait son bâton, toute mince fut-elle, lui permit de dévier la lame. Il échappa à une sérieuse blessure ouverte au profit d’un choc d’une force impressionnante. Déséquilibré, le ciel et le sol basculèrent. En un instant Kyuuji se retrouva à terre, à la merci de son ennemi. Celui-ci s’avança lentement au dessus de lui en levant son épée, l’air à la fois menaçant et triomphale. Avec un ultime effort de volonté, Kyuuji réunit toute l’énergie qui lui restait et invoqua un sort défensif. De la terre meuble, de la poussière et de petites pierres s’amassèrent devant lui. Elles se soudèrent ensemble en un bouclier de fortune au moment précis où l’ennemi abattait son arme. Rencontrant une défense inattendue, son assaillant recula avant de réarmer son bras. A bout de force, Kyuuji savait qu’il n’avait fait que gagner quelques secondes. Il ne pouvait désormais que regarder son adversaire en priant les kamis innombrables qu’il honorait.
Alors qu’il s’apprêtait à délivrer son coup fatal, une lame apparut en travers de la poitrine de l’ennemi. L’homme tomba à genoux puis s’écroula face contre terre. A sa place, se trouvait désormais un Hyur tout en armure. Celui-ci dégagea son arme, une épée à deux mains, d’un geste brusque puis s’approcha du Raen manifestement inquiet et fatigué. L’homme lui tendait la main.
— Ça va, Kyu ?
Le son de cette voix familière ramena le Raen à la réalité. Il reconnut l’un de ses compagnons et son ami le plus cher, Venceslas. Kyuuji attrapa la main qu’il lui tendait et s’en aida pour se remettre debout.
— Merci Vence. J’ai juste besoin de repos.
Le Raen, beaucoup plus grand que le Hyurois, regarda sans mal par-dessus l’épaule de son camarade le champ de bataille qui s’étendait à perte de vue et secoua tristement la tête.
— Mais je n’ai pas le temps pour ça, il reste tant à faire.
Venceslas se retourna vers les combats, montrant le dos à Kyuuji comme pour faire bouclier malgré leur différence de taille.
— Mort, tu ne seras d’aucune utilité. Alors prend un instant pour te reposer, je veille sur nos compagnons.
Les mots et le ton étaient durs, mais c’était la vérité. Si n’importe qui d’autre s’était adressé à lui de la sorte, le Raen aurait répondu sèchement. Mais pas avec Venceslas. Il ne le pouvait pas. Kyuuji savait que son ami s’inquiétait pour lui et c’était sa façon de le montrer. Il se résigna donc à se reposer sur lui. Avec un sourire fatigué, le Raen posa une main sur l’épaule de Venceslas et la pressa doucement.
— Merci, mon ami. Je compte sur toi.
Sans attendre de réponse, Kyuuji s’éloigna jusqu’à un rocher saillant et s’y assit en posant son arme à côté de lui. Il croisa les doigts devant son visage et appuya les coudes sur ses cuisses puis ferma les yeux. Il disciplina son esprit. Il méditait.
Puis, il entendit le chant mélodieux d’un oiseau.