Kyuuji releva les yeux de la carte étalée devant lui. De l’autre côté de la table se trouvaient deux Hyurs, Venceslas et un autre compagnon. Le deuxième homme était un guerrier Hyurgoth, grand, puissamment bâtit, aux airs courageux et au regard dur. Ydrian Fergoth. Il avait les cheveux bruns, très sombre, coupés courts, et portait une armure aux teintes noires et rouges ainsi qu’une large épée à deux mains. Il se dégageait de cet homme une aura de confiance et de volonté qui poussait Kyuuji à lui confier sa vie au combat.
Ydrian croisa les bras sur sa poitrine et reporta son poids sur une jambe, l’air mécontent.
— Ce plan me plaît pas… mais alors, pas du tout.
Kyuuji et Venceslas échangèrent un regard complice.
— Aucun de mes plans ne te plaît jamais, rappela le Raen.
Le guerrier ronchonna et marmonna quelque chose d’inintelligible avant de reprendre d’une voix claire.
— T’as qu’à me présenter des stratégies qui ne reposent pas seulement sur la chance ou des éléments non quantifiables !
Kyuuji se retint difficilement de sourire tandis que Venceslas se retourna pour pouffer.
— Mon plan est très bien. Nous avons juste à …
Ydrian soupira théâtralement et se passa une main sur le visage.
— On a juste à éviter de se faire tuer. Et comment tu proposes de réaliser cet exploit ? En comptant sur la chance, la résistance de mon armure, la force du bras de Vence et ta magie de guérison. Non, rien d’anormale, tout est parfait.
Venceslas ne réussit plus à se contenir, il éclata de rire, rapidement suivit par Kyuuji. Cette situation, ce discours, il les avait déjà vécus plus d’une fois. Et pourtant, ils arrivaient toujours à la même conclusion, Ydrian se joindrait à eux de bon gré.
Le Raen reprit son sérieux devant l’expression menaçante du guerrier.
— Où se trouve la chance là-dedans ? Et sur quoi d’autre veux-tu compter ?
Le Hyurgoth fit un grand geste, au bord de la colère.
— La stratégie ! Une escouade en soutien, un retranchement prêt à nous accueillir, un éclaireur pour repérer le chemin… Tu en veux d’autres ?
Venceslas ne faisait désormais plus aucun effort pour cacher son hilarité, Kyuuji lui jeta un regard lourd de sens avant de reporter son attention sur le guerrier.
— Tu sais bien que nous ne disposons pas de tout ça. Nos moyens sont limités et…
— Et personne est assez fou pour nous accompagner, le coupa Ydrian, maussade.
Kyuuji mettait désormais toute sa patience à contribution pour ignorer les éclats de rire de son ami d’enfance et tenter de calmer le guerrier.
— Je sais que c’est risqué. Si cette opération ne l’était pas, ils ne feraient pas appel à des aventuriers. Nous devons aider les archéologues coincés dans les ruines.
Ydrian soupira, résolu.
— Ouais, je sais bien. On peut pas les abandonner. Et qui d’autre serait assez dérangé pour s’y rendre, hein ?
Il n’y avait plus de colère dans sa voix. Kyuuji savait qu’il était résigné. Ils allaient enfin pouvoir revoir son plan. Venceslas, qui avait retrouvé son sérieux en même temps que la résignation du guerrier, choisit ce moment pour intervenir.
— Ce n’est pas une question de folie, Ydri’, mais de potentiel et de tactique.
Cette fois, le Hyurgoth se redressa, les poings sur les hanches.
— T’as bien raison, Vence !
Le guerrier se tourna vers le Raen, une lueur de volonté farouche dans le regard.
— Répète-moi ton plan, qu’on l’améliore autant que possible, histoire qu’on soit pas obligés d’être secourus à notre tour.
Kyuuji hocha la tête et reporta son attention sur la carte du Thanalan méridional. Il posa son indexe sur le dessin représentant la petite Ala Mhigo.
— Nous partirons d’ici, c’est la ville la plus proche et nous sommes tous harmonisés avec son éthérite.
Le Raen traça ensuite une ligne vers l’est.
— Nous prendrons la route des ruines du temple de Qarn où sont coincés les archéologues. Il nous faudra deux jours à pieds, mais seulement une journée avec nos montures. Nous économiserons les chocobos, les pousser nous ferait arriver en milieu d’après-midi et ce n’est pas l’idéal pour débuter les recherches.
Ydrian hocha la tête.
— Jusque là, rien à dire.
Kyuuji replia la carte du Thanalan et découvrit celle des ruines qui se trouvait dessous. Il tapota un point précis sur la carte.
— L’entrée se situe ici.
Il dessina ensuite quelques courbes vers l’est et arrêta son doigt sur une salle apparemment très loin de l’entrée.
— D’après nos informations, les archéologues se seraient retranchés dans cette pièce. Il nous faudra traverser presque toutes les ruines deux fois. À l’allée, nous sécuriserons le trajet. Au retour, nous escorterons les archéologues.
Kyuuji se redressa et regarda Ydrian.
— Les monstres infestent toutes les ruines et ont déjà atteint l’entrée. Nous pourrons tomber sur des abeilles géantes, des statues animées, des golems et d’autres étrangetés. J’ai préparé des rations pour nous trois pour quatre jours. Nous emmèneront également six montures de plus et des rations pour autant pour trois jours.
— Pourquoi tant de rations supplémentaires ? l’interrogea Venceslas.
— Dans le cas où les archéologues n’en auraient plus. Ils sont coincés depuis plusieurs semaines.
Venceslas semblait satisfait de sa réponse, tandis qu’Ydrian haussait les épaules.
— Les dépenses seront couvertes par la récompense. Mais ce qui m’inquiète, c’est cette configuration, là.
Il se pencha sur la carte et dessina du doigt un vaste cercle au centre des ruines. À cet endroit, quatre couloirs et de nombreuses salles donnaient sur un vaste espace. En outre, il ne semblait pas possible d’éviter d’y passer à l’allée comme au retour.
— Le cœur du temple sera difficile à sécuriser, assura le guerrier.
Kyuuji se pencha à son tour et désigna les pièces autours de la zone centrale.
— Nous éliminerons les menaces des salles adjacentes. Nous irons ensuite le plus loin possible dans les couloirs au nord et au sud pour repousser les ennemis et les tenir à l’écart. Après, seulement, nous prendrons celui de l’est et rejoindrons nos cibles.
Ydrian observa la carte de longues minutes en réfléchissant, les sourcils froncés.
— J’ai rien de mieux à proposer. Espérons qu’on aura pas de mauvaise surprise.
— Tu sais bien qu’il y en aura ! ajouta joyeusement Venceslas.
— À quoi serviraient les plans si on pouvait s’y tenir, hein ?
Kyuuji haussa les épaules, il ne pouvait qu’être d’accord avec eux.
— La meilleure stratégie est celle sur laquelle se brode une tactique réussie.
Les trois compagnons se regardèrent un instant avant d’éclater de rire. L’expérience leur avait prouvé l’ironie et la véracité de ses paroles.
Le calme revenu, Kyuuji se pencha pour replier la carte. Mais sa tête heurta douloureusement la table.