Forêt de Sombrelinceul : Réveil

Il n’y avait rien. Juste le néant. Puis, une sensation.

Il ouvrit les yeux de surprise. Choqué. Perdu. Debout au sein d’une forêt qui s’étendait à perte de vue, aux arbres immenses et massifs, inconnus. Baissant les yeux sur lui-même, il découvrit qu’il portait une robe de belle facture, cousue de motifs simples aux couleurs bleu et noir. Ses bottes confortables étaient tâchées de terre et de boue. Il serrait les doigts sur un bâton gravé de nombreuses arabesques, mais ses mains lui semblaient étrangères. Il réalisa alors qu’il ne savait rien de l’endroit où il était, de ce qu’il y faisait, ni de qui il était. Enfin pas tout à fait. Il était un Ao ra, un Raen. Il venait de Kiyomura, un village reculé du continent d’Othard. Il revit quelques images du village où il avait vu le jour et avait grandit, mais impossible de se rappeler le moindre visage, le moindre nom. Seul son nom lui revint à l’esprit. Kyuuji Atagi.

Avec un long soupire, le Raen se passa une main dans les cheveux et mit de côté cet épineux problème d’amnésie pour se concentrer sur des soucis autrement plus urgents et concrets. Où aller et que faire ?

Sans le moindre indice de l’endroit où il se trouvait, Kyuuji décida de suivre une direction au hasard, et de s’y tenir jusqu’à rencontrer un village, une ferme ou n’importe quel signe de vie. Il choisit le nord. Après tout, qu’il s’agisse du nord ou du sud, une direction en valait bien une autre. Et il se trouvait que le nord était facile à suivre dans cette forêt, au vue de la mousse qui poussait sur les arbres à proximité. Le Raen se mit en route. Il garda son arme en main. Sans trop comprendre pourquoi, le contact du bois entre ses doigts le rassurait.

La forêt était dense, paisible et silencieuse. La faune se taisait et se faisait discrète au passage du Raen. Seuls le vent, faisant bruisser les feuilles, et le mugissement d’un torrent au loin ponctuaient son périple. Tandis que le soleil déclinait, Kyuuji parcourrait une piste animalière qui, il l’espérait, le mènerait à un cours d’eau où il pourrait se désaltérer et se reposer.

Le ciel se baignait dans les couleurs du couchant quand il arriva enfin au bord d’une rivière qui s’écoulait paisiblement entre ses larges rives. Il s’y abreuva et s’y rafraîchit, se soulageant ainsi de la difficulté de la marche sur le terrain irrégulier et sinueux de la piste qu’il suivait. Son estomac vide profita de ce moment de répit pour se manifester. Réalisant qu’il n’avait rien avalé depuis… De quand datait son dernier repas, il n’aurait sut le dire, mais il avait faim. Dans la lueur de la soirée, le Raen se mit à la recherche de quelques fruits, champignons ou même racines comestibles.

Kyuuji réalisa qu’il n’était pas paniqué par son étrange situation. Il se surprit même à déterminer facilement ce qui était mangeable ou non. Il dénicha un buisson de baies qui, il en était persuadé, étaient comestibles. Il décida de se faire confiance, n’ayant pas tellement le choix, et s’en nourrit jusqu’à satisfaire suffisamment son appétit pour passer la nuit.

Avec l’obscurité vint le froid. Le Raen devait trouver un endroit où s’abriter pour la nuit. Mais la pénombre s’installait trop vite, l’empêchant de remonter la piste qui l’avait mené jusqu’ici. Sans espoir de se mettre à l’abri, Kyuuji se résigna à dormir à même le sol, à quelques yalms de la rivière. Sans feu ni vêtements de voyage, il ne put que se rouler sur lui-même et se protéger les mains en les coinçant sous ses bras. Il pria un dieu anonyme, ne pouvant se rappeler d’un nom, pour que la nuit ne soit pas trop froide. Elle se révéla plutôt d’une étrange chaleur étouffante.